Recherche dans le domaine de la biologie du bien-être : compétition sexuelle

Recherche dans le domaine de la biologie du bien-être : compétition sexuelle

17 Sep 2021

Les principaux objectifs de la biologie du bien-être sont d’améliorer notre compréhension de la qualité de vie des animaux en relation à leur environnement et de trouver des moyens prometteurs de les aider. Il existe un large éventail de sujets que la biologie du bien-être peut aborder. Pour étudier le bien-être des animaux sauvages, la recherche en biologie évolutive -de façon générale- et la recherche portant sur les parcours de vie des animaux -en particulier- peuvent être très utiles. Ce domaine vise à expliquer les schémas de croissance, de reproduction et de mort chez les animaux en termes de sélection naturelle et de relation avec leur environnement. Ces connaissances peuvent être très utiles pour évaluer la vie des individus au sein de différentes populations.

Vous trouverez ci-dessous une ébauche de projet portant sur la compétition sexuelle laquelle illustre le type de recherche sur le cycle de vie qui pourrait être développé en biologie du bien-être. Cette idée de projet est pensée avec une large portée, c’est pourquoi des listes d’espèces potentielles et de d’indicateurs de bien-être méritant considération sont incluses.

Nous espérons inspirer les chercheurs intéressés par les thèmes de la sélection et de la compétition sexuelles ainsi que par d’autres sujets relatifs aux parcours de vie des animaux à concevoir leurs propres projets de recherche au vu de leurs affinités. Les résultats en découlant pourraient améliorer notre compréhension de la souffrance des animaux sauvages.

Idée de projet : le coût de la compétition sexuelle pour le bien-être

La sélection sexuelle est considérée comme une forme de sélection naturelle qui favorise les adaptations propices à l’obtention de partenaires plutôt que les adaptations favorisant la survie.1 Bien qu’il soit possible que certains traits puissent améliorer la condition physique d’un individu en termes de survie et de reproduction (par exemple, augmenter sa capacité à rechercher de la nourriture augmente ses chances de survie et lui fournit des nutriments favorables à la croissance d’ornements sexuels tels que les plumes colorées), les traits sélectionnés afin de fournir un avantage sexuel peuvent également entraver les chances de survie d’un individu.

Chez de nombreuses espèces animales, les traits permettant aux individus d’augmenter leur capacité à acquérir des partenaires sont sélectionnés et se manifestent de deux manières générales: la compétition entre partenaires (sélection intrasexuelle) et le choix des partenaires (sélection intersexuelle). Le compétition sexuelle survient lorsque des individus se livrent à des combats avec des rivaux du même sexe et favorise les caractéristiques offensifs (armes) telles que les cornes, les bois, les griffes et les comportements agressifs. Les traits relatifs au choix des partenaires se manifestent lorsque des individus du même sexe se livrent à des parades nuptiales pour attirer des individus du sexe opposé et favorisent le développement d’ornements sexuels tels que les couleurs, les odeurs, les danses élaborées et les vocalisations.2 Beaucoup de ces traits ont été associés à la baisse des chances de survie des individus du même sexe.3 Les gros bois d’orignaux mâles, par exemple, sont volumineux et lourds, ce qui réduit leur capacité à fuir les prédateurs. Ces bois peuvent s’emmêler dans les branches et les arbustes des arbres suspendus, augmentant les chances de décès chez les mâles. Les couleurs vives et les vocalisations élaborées, telles que celles observées chez de nombreux oiseaux mâles et grenouilles, attirent non seulement les femelles, mais aussi les prédateurs.

Cela implique donc l’existence de souffrances causées par la compétition sexuelle, soit de façon directe, lorsqu’un combat entraîne des blessures, soit de façon indirecte, lorsque les animaux paradent et deviennent davantage vulnérables aux prédateurs. Cependant, aucune étude n’a encore entrepris de déterminer s’il existe un tel coût à la compétition sexuelle ou n’a tenté de le quantifier. Il est important de le faire car chez les espèces à très forte sélection sexuelle, la compétition sexuelle peut être l’une des principales causes de mortalité et de souffrance.

Vocation générale

Déterminer les effets directs et indirects de la compétition sexuelle sur le bien-être des individus appartenant à des espèces où la sélection sexuelle est une force sélective dominante.

Les effets directs et indirects peuvent être évalués séparément au sein de différents projets de recherche.

Objectifs

  • Identifier les espèces de mammifères et d’oiseaux dont la principale force sélective est la sélection sexuelle (se concentrer sur ces taxons pour faciliter l’identification des coûts pour le bien-être des individus)
  • Identifier les façons dont la compétition et le choix des partenaires affectent le bien-être des individus des deux sexes
  • Analyser les effets sur le bien-être de la compétition sexuelle à l’aide de méthodes quantitatives et qualitatives

Espèces à prendre en compte

Pour les effets directs de la compétition sexuelle sur le bien-être des animaux

  • Éléphants de mer (Mirounga angustirostris): un dimorphisme sexuel important a été associé à des taux élevés de mortalité masculine4
  • Le daim (Dama dama), le lechwe (Kobus leche), le wapiti de Roosevelt (Cervus canadensis roosevelti), le cerf de Virginie (Odoicoleus virginianus): les mâles avec de gros bois se battent violemment pendant les périodes de chaleur5

Pour les effets indirects de la compétition sexuelle sur le bien-être des animaux

  • Coq de roche de Guyane (Rupicola rupicola), tétras des armoises (Centrocercus urophasianus): risque de prédation associé aux arènes de reproduction6
  • Tarin des épines (Spinus spinus), et autres passereaux où le risque de prédation est associé à l’éclat du plumage7

Indicateurs à prendre en compte pour l’évaluation du bien-être

  • Blessures causées par la compétition sexuelle
  • Toutes formes de différences d’appétit résultant du sexe (lorsque mâles ou femelles ont un des besoins nutritionnels plus importants
  • Taux de prédation (quand l’un des sexes se rend plus visible que l’autre)
  • Espérance de vie
  • Mortalité

Impacts attendus

  • Compréhension plus complète des façons dont la compétition sexuelle entraîne des souffrances
  • Compréhension plus complète de l’étendue des souffrances imposées par la compétition sexuelle
  • Identification des espèces pour lesquelles le coût de la sélection sexuelle pour le bien-être est important
  • Compréhension plus complète du potentiel pour intervenir dans la nature afin de réduire les souffrances causées par la sélection sexuelle du fait des impacts précédemment cités

Annotations

Bonduriansky, R.; Maklakov, A.; Zajitschek, F. & Brooks, R. (2008) “Sexual selection, sexual conflict and the evolution of ageing and life span”, Functional Ecology, 22, pp. 443-453 [consulté le 27 février 2019].

Christe, P.; Keller, L. & Roulin, A. (2006) “The predation cost of being a male: Implications for sex-specific rates of ageing”, Oikos, 114, pp. 381-384.

Liker, A. & Székely, T. (2005) “Mortality costs of sexual selection and parental care in natural populations of birds”, Evolution, 59, pp. 890-897.

Nunn, C. L.; Lindenfors, P.; Pursall, E. R. & Rolff, J. (2009) “On sexual dimorphism in immune function”, Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 364, pp. 61-69 [consulté le 25 février 2019].

Promislow, D.; Montgomerie, R. & Martin, T. E. (1994) “Sexual selection and survival in North American waterfowl”, Evolution, 48, pp. 2045-2050.

Rankin, D. J. & Kokko, H. (2006) “Sex, death and tragedy”, Trends in Ecology & Evolution, 21, pp. 225-226.

Toïgo, C. & Gaillard, J. M. (2003) “Causes of sex‐biased adult survival in ungulates: Sexual size dimorphism, mating tactic or environment harshness?”, Oikos, 101, pp. 376-384.


Références

1 Rice, S. A. (2007) Encyclopedia of evolution, New York: Facts on File.

2 Darwin, C. (1881 [1871]) La Descendance de l’homme et la sélection sexuelle, 3ème ed., Paris: C. Reinwald [consulté le 17 septembre 2021].

3 Owen-Smith, N. (1993) “Comparative mortality rates of male and female kudus: The costs of sexual size dimorphism”, Journal of Animal Ecology, 62, pp. 428-440.

Promislow, D. E. (1992) “Costs of sexual selection in natural populations of mammals”, Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 247, pp. 203-210.

Promislow, D. E.; Montgomerie, R. & Martin, T. E. (1992) “Mortality costs of sexual dimorphism in birds”, Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 250, pp. 143-150.

4 Clinton, W. & Le Boeuf, B. (1993) “Sexual selection’s effects on male life history and the pattern of male mortality”, Ecology, 74, pp. 1884-1892.

5 Clutton-Brock, T. H. & Parker, G. A. (1995) “Sexual coercion in animal societies”, Animal Behaviour, 49, pp. 1345-1365.

Ditchkoff, S. S.; Welch, E. R., Jr.; Lochmiller, R. L.; Masters, R. E. & Starry, W. R. (2001) “Age-specific causes of mortality among male white-tailed deer support mate-competition theory”, The Journal of Wildlife Management, 65, pp. 552-559.

Leslie, D. M., Jr. & Jenkins, K. J. (1985) “Rutting mortality among male roosevelt elk”, Journal of Mammalogy, 66, pp. 163-164.

6 Trail, P. (1987) “Predation and antipredator behavior at Guianan Cock-of-the-Rock leks”, The Auk, 104, pp. 496-507.

Boyko, A. R.; Gibson, R. M. & Lucas, J. R. (2004) “How predation risk affects the temporal dynamics of avian leks: Greater sage grouse versus golden eagles”, The American Naturalist, 163, pp. 154-165.

7 Huhta, E.; Rytkönen, S. & Solonen, T. (2003) “Plumage brightness of prey increases predation risk: An among-species comparison”, Ecology, 84, pp. 1793-1799.

Pascual, J.; Senar, J. C. & Domènech, J. (2014) “Plumage brightness, vigilance, escape potential, and predation risk in male and female Eurasian Siskins (Spinus spinus)”, The Auk, 131, pp. 61-72.